Votre cerveau hallucine votre réalité consciente

Anil Seth – neuroscientifique, Professeur de neurosciences cognitives et computationnelles à l’Université du Sussex.

L’hallucination est une sorte de perception incontrôlée.

En fait, nous sommes tous en train d’halluciner tout le temps, y compris maintenant. C’est seulement quand nous sommes d’accord au sujet de nos hallucinations, que nous appelons cela la réalité.

Emission similaire en français dans le bas de la page : Le cerveau fait son monde : l’illusion de la réalité

Quand nous nous réveillons d’un sommeil profond, nous pouvons nous sentir confus au sujet du temps, mais il reste toujours un sens basique de continuité, du temps qui a passé. De même lors d’anesthésie médicale, la question qui reste est comment la conscience apparait-elle, comment plusieurs billions de neurones sont-ils capables de générer la conscience.

Notre expérience consciente du monde autour de nous est une sorte d’hallucination qui apparait à cause et à travers notre corps vivant. Actuellement la conscience est encore mal comprise et énormément de chercheurs de différentes disciplines essaient de la comprendre.

Antérieurement, les gens pensaient que la vie ne pouvait pas être uniquement expliquée par la physique et la chimie, qu’elle était plus qu’un simple mécanisme. Maintenant les personnes ne pensent plus cela. Avec l’évolution de la science, la compréhension du métabolisme, de l’homéostasie, le mystère de ce qu’est la vie, commence à s’effacer.

Quelles sont les propriétés de la conscience ? Aujourd’hui, intéressons-nous à deux aspects. Il y a la façon dont nous expérimentons le monde autour de nous, à travers nos sens, tel un film. Ensuite, il y a la conscience du soi. Le personnage de ce film.

Commençons par le premier point. Le cerveau essaie de créer une représentation du monde, à travers des impulsions électriques. La compréhension des éléments de notre environnement doit-être un processus de conjectures éclairées au cours duquel le cerveau combine les différents signaux sensoriels, avec ses attentes ou croyances préalables au sujet de la façon dont est le monde afin de deviner au mieux ce qui a créé ces perceptions sensorielles. Le cerveau ne perçoit pas de sons, ni de lumière, ce qui est perçu est la meilleure représentation possible de ce que pourrait être le monde extérieur.

Sur l’image de gauche, les cases pointées par les deux flèches rouges, semblent être d’une nuance de gris très différente. Elles sont en fait exactement de la même couleur et cela peut être perçu en ajoutant les deux lignes sur l’image de droit.

Ce qui se passe est que le cerveau utilise ce à quoi il s’attend, basé sur ses expériences antérieures dans un monde tridimensionnel, qu’une ombre projetée atténue l’apparence d’une surface. On voit donc B plus clair que ce qu’il n’est vraiment. Le cerveau peut rapidement utiliser une nouvelle prédiction pour changer ce que nous expérimentons consciemment.

Ecoutez le premier son :

Maintenant le second :

Rejouez de nouveau le premier son, après avoir écouté le second :

Que se passe-t’il ? Ce qui est remarquable est que l’information sensorielle parvenant au cerveau n’a pas du tout changer. La seule chose ayant changé est la meilleure prédiction possible des causes de cette information sensorielle qu’est capable de faire votre cerveau. Et cela modifie ce que vous entendez.

Tout cela signifie qu’au lieu de dépendre essentiellement des signaux extérieurs arrivant au cerveau, la perception dépend autant, si pas davantage des informations dans le sens opposé, celle venant de notre monde intérieur. « Nous ne percevons pas juste le monde passivement, nous le générons activement ». La perception est un processus actif de construction.

L’hallucination est une sorte de perception incontrôlée.

 

Combinaison d’une réalité virtuelle immersive avec un traitement d’images afin de stimuler les effets de prédictions perceptuelles trop fortes. Dans cette vidéo panoramique, le monde a été transformé en un terrain de jeu psychédélique. Le métrage a été transformé en utilisant un algorithme basé sur Google’s Dreep Dream. Les prédictions perceptuelles trop fortes font voir des chiens dans cette vidéo, ce qui ressemble fortement à une hallucination, telles que celles reportées par les personnes en état modifié de conscience ou même en psychose.

« Si l’hallucination est une sorte de perception incontrôlée, alors notre perception actuelle est également une sorte d’hallucination, mais une hallucination contrôlée dans laquelle les prédictions cérébrales ont été maitrisées par les informations sensorielles du monde. En fait, nous sommes tous en train d’halluciner tout le temps, y compris maintenant. C’est seulement quand nous sommes d’accord au sujet de nos hallucinations, que nous appelons cela la réalité. »

L’expérience du soi est également une hallucination contrôlée générée par le cerveau. Notre perception du soi est si familière, unifiée et continue, mais nous ne devrions pas la tenir pour acquise. Nous expérimentons notre soi, à travers l’impression d’être notre corps, la perception du monde d’un point de vue d’une personne, et l’impression d’être une personne au cours du temps, construite sur un large panel de mémoires et d’interactions sociales. Toutes ces expériences suivant lesquelles nous pouvons expérimenter notre soi, peuvent être prises individuellement. Cela signifie qu’être un soi unifié est plutôt une construction fragile du cerveau. Le cerveau fait la meilleure prédiction de ce qu’est ou n’est pas d’être un corps.

Très belle expérience des neurosciences afin d’expérimenter cela. Dans l’expérience, la vraie main de la personne est cachée et une fausse main est visible à la place. Ensuite, les deux mains sont simultanément caressées avec un pinceau, tandis que la personne regarde la fausse main. Pour la majorité des gens, cela conduit à l’impression que cette fausse main appartient réellement à leur corps. L’idée est que la congruence entre voir la fausse main touchée et sentir la main réelle touchée crée une évidence suffisante afin que la meilleure prédiction cérébrale soit que cette fausse main fasse en fait partie du corps.

Nous n’expérimentons pas seulement l’impression d’être un corps de l’extérieur, mais également de l’intérieur.

Les signaux sensoriels provenant de l’intérieur du corps, disent de façon continue au cerveau, l’état des organes intérieurs. L’expérience du corps dépend fortement de ces perceptions.

La perception du monde extérieur l’est à travers une multitude d’objets, ce qui n’est pas le cas de la perception de notre intériorité. Le cerveau ne doit pas percevoir nos organes intérieurs, mais il doit en assurer la régulation afin de survivre. Quand les prédictions du cerveau sont faites au sujet de notre intériorité, elles le sont sur base de se sentir bien ou mal. Si tout va bien, nous ne sentons pas nos organes, car ce qui importe dans ces prédictions est la survie et non la perception sensorielle. Le système prédictif est ancré dans les processus de survie.

Synthèse :

  • Le cerveau devine au mieux à quoi ressemble le monde extérieur, en se basant à la fois sur la perception des sens, mais également sur des informations intérieures.
  • Ce que nous expérimentons comme étant, ou n’étant pas notre corps, dépend des signaux sensoriels provenant des organes des sens (proprioception).
  • Expérimenter un soi incarné est davantage basé sur la régulation et le contrôle que sur l’estimation ce qu’il en est.

Conclusion :

La conscience du monde et du soi est une hallucination contrôlée qui a permis notre survie depuis des millions d’années. Nous, nous prédisons nous-même dans l’existence.

Implications :

  • Tout comme nous pouvons mal percevoir le monde, nous pouvons également mal nous percevoir nous-mêmes.
  • Ce que signifie être ‘moi’, ne peut pas être réduit à un programme informatique ou un robot.
  • Notre façon d’être conscient est juste une des façons possibles de l’être.

 

Mon expérience

Au cours des méditations, j’ai appris à me détacher de plus en plus des idées, des concepts, des fabrications mentales qui conditionnent mon expérience. J’ai appris à les observer, à les laisser passer sans y accorder, outre mesure, d’importance.

Cela confère une plus grande liberté. J’ai le choix de me plonger pleinement et de jouer avec ces illusions du monde, ou au contraire de m’en abstraire plus ou moins fortement. J’ai développé la capacité de laisser émerger cet espace profond de paix et de vide, qui sommeille au fond de chacun de nous et dont je parle dans mon premier livre.

Percevoir le monde de façon un peu moins identifiée. Je me suis entrainée à ressentir les perceptions sensorielles mais sans le blabla mental, l’analyse, le jugement qui auparavant se faisait automatiquement et surtout inconsciemment.

Cela reste toujours une hallucination, dans le sens où mes perceptions sensorielles sont interprétées inévitablement de façon relative et biaisée par le cerveau, mais je supprime la couche plus superficielle de jugement mental. A la place, je ressens un vide qui accueille sans interpréter les sensations.

Il en va de même de la perception du soi. Elle peut-être plus ou moins forte, selon ma connexion à ma nature profonde, cet espace intérieur de paix. Je suis, dès lors, beaucoup moins sujette aux ballottements émotionnels générés par les remarques d’autrui, ou mes propres pensées. La pratique de la méditation, m’a conféré une bien plus grande stabilité émotionnelle et une paix intérieure, un lâcher-prise spontané.

Note : selon mes croyances, basées sur mon expérience et mon ressenti intuitif, ce n’est pas le cerveau qui crée la conscience. Nous sommes une entité consciente et le cerveau est capable, de capter cette conscience et de l’incarner dans un corps physique. Via le cerveau, cette conscience est reliée aux sens et peut expérimenter ce champ d’expériences terrestres.

Le cerveau fait son monde : l’illusion de la réalité

Le professeur Yves Rossetti travaille dans l’équipe Imp Act au Centre de Recherches en Neurosciences de Lyon (CNRS/INSERM).

Émission similaire en français afin de permettre de prendre conscience que nos perceptions sont biaisées et subjectives. De nombreux exemples ludiques d’illusions d’optiques y sont présentés afin de prendre conscience qu’il n’y a pas une réalité unique où « nous avons raisons et l’autre à tort » et ainsi promouvoir la communication non-violente, l’ouverture vers l’autre.